Lu dans TELERAMA – Par Juliette Bénabent
Dans le calme d’une ville de Bourgogne (Chalon-sur-Saône), des trajectoires s’entrelacent. Celles de deux camarades d’école aux origines et aux destins diamétralement opposés : l’autrice, devenue scénariste et romancière loin de sa ville natale, et Sara, qui n’en est jamais partie, “née victime et morte coupable”, suicidée après avoir commis un sordide assassinat en 1991.
En s’appuyant sur une description minutieuse de ce territoire, qui pourrait être n’importe lequel en France – une cité en mutation, des populations abandonnées -, Johanne Rigoulot fait davantage que décortiquer le terreau et l’engrenage du fait divers, les dysfonctionnements des services de protection des enfants, de prise en charge des maladies mentales, de la justice.
Comme dans “Une dimanche matin” (ed. Equateurs, 2019), où elle plongeait courageusement dans l’histoire du féminicide commis par son cousin, elle se place au coeur de son récit, retraçant sa propre route en parallèle de celle de Sara – et, de façon moins convaincante, de celle de Rachida Dati, originaire de la même ville, née dans la même maternité.
L’autofiction, menée sans complaisance et soutenue par une écriture sobre et intelligente, nourrit le récit implacable de la violence. Et, au-delà, rend un visage et une vie à des femmes que la mémoire collective fait disparaître derrière leurs gestes et leurs destins tragiques.